INTERACTIONS

L’Analyse de Discours (Maingueneau, 1980 ; 1991 ; 2014 ; Charaudeau & Maingueneau, 2002, entre autres), l’Analyse de Conversation et la Linguistique Interactionnelle naissent dans des moments d’effervescence intellectuelle, d’extension et finalement de remise en question de champs de recherche historiques, comme la linguistique, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie sociale, etc. (dans la littérature francophone, Kerbrat-Orecchioni, 1990 ; Vion, 1993, entre autres). Ces trois domaines sont multiples et constitutivement interdisciplinaires. Ils dialoguent dès leurs naissances respectives avec de nombreux champs scientifiques et traitent des données relevant d’activités humaines très diversifiées. Dans ce sens, ils se constituent en champs autonomes dans des environnements scientifiques fortement caractérisés par leur histoire et leur appartenance intellectuelle, linguistique et géographique.

 

Une partie des recherches développées par les membres de l’U.R. LHUMAIN sur l’interaction ont lieu plus particulièrement dans le cadre de l’Analyse de Conversation (AC), (Sacks, Schegloff & Jefferson, 1974) et de la Linguistique Interactionnelle (LI, Couper-Kuhlen & Selting, 2001 ; Fox & alii, 2013). Cette double orientation puise dans les approches sociologiques de Garfinkel et de Goffman, dans l’Anthropologie Linguistique (Duranti, 1977), dans l’Ethnographie de la Communication (Hymes & Gumperz, 1972) aussi bien que dans la dialectologie (de Fornel & Léon, 2000). Pour une représentation succincte de ce cadre analytique et théorique on peut rappeler d’abord les formes d’organisation du tour de parole et des séquences mises en évidence par les fondateurs de l’AC, ainsi que l’un des développements plus récents et marquants l’approfondissement de la compréhension de la relation entre tour et action. Enfin, nous pouvons évoquer les pistes de recherche actuelles et à venir, les plus potentiellement productives, de notre point de vue.

 

L'échange de paroles (Talk-in­Interaction) entre deux (ou plusieurs) individus est considérée  comme la forme de base de toute vie sociale. Les éléments qui constituent la « niche organisationnelle immédiate » (Schegloff, 1996 : 2) sont d’une part les Unités de Construction du Tour (UCT) qui peuvent, seules, ou à plusieurs, récursivement, constituer un tour de parole. Ainsi que les principes, simples mais puissants (Sacks, Schegloff & Jefferson, 1974), permettant l’alternance des locuteurs (sélection, auto-sélection et continuation). De l’autre, les configurations séquentielles, où se déploient les relations fortes et locales (comme la Paire Adjacente : Invitation / Acceptation) ou à plus large portée, notamment en ce qui concerne les Séquences Insérées (Demande d’aide / Aide), entre les tours, dans un ensemble de droits et d’obligations qui devrait être satisfait, même plus tard dans l’interaction, en vertu de la Pertinence Conditionnelle (Sacks & Schegloff, 1979).

 

Ce travail sur le « site primordial de la socialité » (Schegloff, 1995) est fondé essentiellement sur les liens entre les éléments du tour de parole et les actions produites par les tours. Dans ce sens, Heritage (2011 : 212) définit « Une “pratique” comme toute caractéristique de la conception d'un tour dans une séquence qui (i) a un caractère distinctif, (ii) a des emplacements spécifiques dans un tour ou une séquence, et (iii) est distinctif dans ses conséquences sur la nature ou le sens de l'action que le tour met en œuvre ». Cette définition est étayée par l’apport de Robinson (2007 :  68) qui distingue une pratique et une pratique d'action, la première servant à construire la seconde. Il parle ainsi de configurations de pratiques orchestrées par les participants (choix lexical, d’intonation, position séquentielle, etc.) : « Les participants s'intéressent au produit de cette orchestration en termes d'action, alors que les analystes s'intéressent en plus aux pratiques utilisées pour construire les actions. » (idem).

Les recherches développées actuellement sur l’interaction dans l’étude d’activités et écologies multiples contribuent à la connaissance :

  1. de pratiques d’actions (supra) pour élargir le domaine des objets de recherche ou pour reconsidérer de manière interdisciplinaire, des objets déjà étudiés ;
  2. de « … la parole comme un produit en cours, où émergent dans un événement sémiotique social et linguistique, un ensemble de ressources pour l'accomplissement d'objectifs ou de tâches, au sein de cet événement » (Couper-Kuhlen & Selting, 2001 : 3) ;
  3. de l’action en cours dans un paysage sémiotique immédiatement présent qui non seulement, offre des ressources de différentes sortes aux participants, mais qui fait l’objet d’élaboration et de transformation dans l’orientation prospective et rétrospective de l’interaction en cours (Goodwin, 2013) ;
  4. des unités analytiques de l’interaction (UCT et séquences) pour participer aux débats en cours sur la quantification (Schegloff, 1993 ; Robinson, 2007 ; Stivers, 2015), sur la digitalisation de l’interaction et les Agents Intelligents, sur l’aide à la décision en Intelligence Artificielle.
  5. les différentes dimensionnalités de l’expérience (du 2D au 3D, visuelles et sonores) dans la prise de vue télévisuelle (Broth, 2008) et les environnements immersifs (McIlvenny, 2020).

Consulter les références biliographiques

Consulter les autres entrées du MANIFESTE :

Dernière mise à jour : 08/05/2024